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[Dossier] : Les défis vers une meilleure éducation des filles en Afrique

Les défis vers une meilleure éducation des filles en Afrique

Le combat pour l’éducation est l’un des investissements les plus importants qu’un pays puisse mener pour l’avenir de son peuple. L’éducation est au cœur de la formation du capital humain et joue un rôle central dans le développement d’une société. Loin d’écarter les garçons, la question de l’éducation des filles en Afrique demeure une polémique qui mérite une attention particulière. Hémicycles d’Afrique vous apporte la lumière à ce sujet.

Par Gloria R. DOSSOU

Selon un proverbe arabe « quand on éduque une femme, on forme la société, quand on éduque un homme, on forme seulement un individu ». Plusieurs familles africaines font souvent le choix d’envoyer leurs garçons à l’école au détriment de leurs filles. Ceci, non seulement pour des questions financières, mais aussi en raison de différentes normes sociales. Il s’agit par exemple, du maintien des filles à la maison, du mariage et de la maternité précoces, des infrastructures scolaires inadéquates, des discriminations…etc. Aujourd’hui encore, de nombreuses jeunes filles rencontrent assez d’obstacles importants concernant l’accès à l’éducation primaire, secondaire et même supérieure. Leur éducation est souvent jugée non prioritaire, quand bien même, celle-ci constitue un premier pas vers leur émancipation et leur autonomisation.

Selon un classement réalisé par l’Organisation non gouvernementale (Ong) ONE, un mouvement mondial qui fait campagne pour en finir avec l’extrême pauvreté et les maladies évitables d’ici 2030, la probabilité qu’une fille ne soit pas scolarisée est de 57%, plus élevée que la même probabilité pour un garçon. Cet écart atteint 83% au lycée. Les estimations à l’échelle mondiale, de la banque mondiale, révèlent que 62 millions de filles ne sont pas scolarisées. La moitié d’entre elles sont des adolescentes. 60 millions de filles âgées de six ans n’iront jamais à l’école, contre 8 millions de garçons. Selon une information publiée le 20 mai sur le site ‘’ Entreprenante Afrique, un espace d’expression, de partage d’expérience et de connaissance économique sur l’entrepreneuriat en Afrique.  L’Afrique subsaharienne compte à elle-seule 30 millions d’enfants exclus du système scolaire, parmi lesquels les filles sont majoritaires. Le rapport mondial de suivi sur l’Education pour tous (Ept), en 2015, montre 17 pays d’Afrique subsaharienne sur 117 pays dans le monde ayant atteint la parité au primaire. Cependant, les progrès enregistrés dans l’élimination des disparités entre les sexes ont été beaucoup moins marqués dans l’enseignement secondaire et supérieur.

En Afrique de l’Ouest, plus précisément au Niger et en Guinée, près de 70 % des filles issues des ménages les plus pauvres ne sont jamais allées à l’école. Un pourcentage beaucoup plus élevé que chez les garçons, contre moins de 20 % des garçons issus des ménages les plus riches.  Au Bénin, selon un article publié en 2020 par l’Unesco, l’éducation demeure un droit inaccessible pour près de 1.600.000 enfants en âge d’être scolarisés. Une inaccessibilité évaluée à 43 pour cent de filles des ménages les plus pauvres. 

En Afrique Central, au Tchad, 86 % des femmes sont analphabètes. « Le Tchad accueille 480 000 réfugiés dont 180 000 en âge scolaire, une population à 56 % féminine » avait déclaré l’ancien président Idriss Deby à l’ouverture de la conférence internationale de la francophonie sur l’éducation des filles. L’éducation constitue un droit autant proclamé par plusieurs pays africains, de même que par plusieurs institutions internationales.   

Le droit à l’éducation, un droit  proclamé 

L’éducation est un droit humain fondamental pour tous les enfants. Cela a été reconnu il y a plus de 70 ans dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (Dudh). Une déclaration qu’ont ratifiée nombreux gouvernements à travers le monde. Selon l’article 26 de la Dudh « Toute personne a droit à l’éducation…» Cette affirmation est reprise à l’article 17 alinéas 1 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Au  Bénin, le pays dispose d’un cadre législatif assez complet en matière de droit à l’éducation. Il a ratifié la plupart des conventions et traités internationaux en la matière et a clairement identifié dans sa Constitution le droit de tout citoyen béninois à une éducation de qualité. L’article 13 de sa Constitution indique par ailleurs le caractère obligatoire de l’éducation de base et rend l’enseignement primaire public progressivement gratuit. De même, la loi n° 2003-17 du 11 novembre 2003 portant orientation de l’éducation nationale en République du Bénin rectifiée par la loi n°2005-33 du 06 octobre 2005 a traduit les dispositions de la Constitution en modalités opérationnelles. L’article 3 de cette loi indique qu’une plus grande attention doit être accordée à l’éducation des jeunes filles, des personnes et enfants en situation difficile, des enfants des zones déshéritées et des groupes vulnérables.

Au Burundi, depuis que le gouvernement a annulé les frais de scolarité en 2012, l’éducation est gratuite, obligatoire et universelle de 7 à 13 ans.

Par contre au Rwanda, le système d’éducation  ne connaît aucune mesure législative ou factuelle discriminatoire à l’égard de la fille. C’est ce que précise le rapport du Rwanda, qui a réuni en un seul document (Cedaw/C/Rwa/6) les quatrième à sixième rapports périodiques du pays. Les conditions d’admissibilité à l’école et les programmes d’enseignement sont donc les mêmes tant pour les garçons que pour les filles. C’est le cas également de la Zambie.

Mais malgré tous ces textes législatifs qui prônent le droit à l’éducation des garçons en général et des filles en particulier, on observe plusieurs écarts dans l’égalité du genre dans le secteur de l’éducation.

Les causes et conséquences du faible taux de scolarisation des filles

Parmi ces facteurs qui expliquent cette situation on trouve entre autres l’éloignement géographique de l’école, les frais financiers sollicités des parents, les considérations socio culturelles qui touchent au genre (discrimination, violences sexuelles, mariages précoces, grossesses précoces), l’ignorance des lois…

En 2020, les filles demeurent sur le plan mondial les premières victimes d’inégalités. 132 millions de filles âgées de 6 à 17 ans sont  privées d’école ; 63 % des adultes analphabètes dans le monde sont des femmes ; 1 fille sur 4 ne va pas à l’école dans les pays en développement. Dans le même temps, 64 millions de filles sont astreintes au travail forcé ; 12 millions de filles sont mariées de force chaque année avant l’âge de 18 ans, soit près de 33 000 filles par jour ; et près de 120 millions de filles, soit 1 fille sur 10 de moins de 20 ans, ont été confrontées à la violence sexuelle.  

Cette situation de non-scolarisation des filles présente de graves conséquences non seulement sur la vie de chacune d’entre elles, mais aussi sur le développement de leur communauté et de leur pays tout entier. Car l’éducation d’une fille est reconnue comme un des leviers les plus puissants pour sortir de la pauvreté et pour s’émanciper. 

Diverses études montrent qu’il y a une corrélation entre le taux de croissance d’un pays et le taux d’alphabétisation des filles. Pour l’ancien secrétaire général des Nations unies Koffi Annan,  si un pays veut maîtriser sa démographie, avoir une population instruite et qualifiée, espérer réaliser un développement humain durable, il doit miser, entre autres, sur la scolarisation de ses filles, femmes et mères qui sont incontestablement les agents du développement de demain.

Selon l’Ong Plan international, la non-scolarisation des filles les maintient dans un statut inférieur à celui des garçons. Une fille qui ne va pas à l’école aura plus de mal à faire entendre sa voix. Marginalisée, elle ne pourra s’exprimer, prendre les décisions qui concernent son corps et sa vie, voter, participer activement aux prises de décision de la société dans laquelle elle vit et avoir un rôle en tant que citoyenne libre.  

La non-scolarisation des filles est aussi une cause majeure de pauvreté et constitue un véritable manque pour le développement des pays. Une année de scolarisation supplémentaire fait progresser le produit intérieur brut (Pib) annuel d’un pays  de 0,37 %. L’accès limité des filles à l’éducation et les obstacles à l’achèvement d’une scolarité de 12 ans coûtent aux pays entre 15 000 et 30 000 milliards de dollars de perte de productivité et de revenus tout au long de la vie, selon le rapport de la Banque mondiale du 11 juillet 2018.

Aussi, la non-éducation des filles présente-t-elle un risque important pour leur santé et celle de leurs enfants. Ainsi, une fille non scolarisée aura plus de difficultés à accéder et à suivre les recommandations et les conseils de prévention et de soins pour elle-même et pour ses enfants. Un enfant né d’une mère qui sait lire a 50 % de chances de survivre après l’âge de 5 ans.

Vers une meilleure scolarisation des filles en Afrique

Selon la présidente des Femmes africaines en communication et télévision (Fact), Mariam Selly Kane, l’éducation est un droit reconnu pour les filles et une source d’épanouissement personnel et communautaire.

Face aux différentes causes et conséquences de la déscolarisation des filles, évoquées plus haut, des actions de solutions sont possibles.

Dans certains pays tels que la Guinée équatoriale, la Sierra Leone, la Tanzanie et autres, les responsables gouvernementaux et académiques dénient aux filles enceintes le droit de fréquenter l’école. Dans d’autres pays, les gouvernements ne font pas suffisamment d’efforts pour s’assurer que les mères adolescentes puissent reprendre le cours de leurs études après une grossesse. 

Pour Agnes Odhiambo, chercheuse senior auprès de la division Droits des femmes à Human rights watch , « L’Afrique ne pourra pas se doter d’une main d’œuvre qualifiée tant que les autorités chasseront les filles de l’école parce qu’elles sont enceintes…Quand des filles ont accès à une éducation de qualité, elles acquièrent les compétences et les connaissances dont elles ont besoin pour réaliser leur potentiel et transformer leur vie, leurs familles et leurs communautés. » 

En Centrafrique, des progrès prometteurs sont observés dans le domaine de l’éducation malgré de nombreux défis. Le bureau de l’Unicef dans le pays a reçu fin mars 2020, un financement du Partenariat mondial pour l’éducation (Gpe) de 70 000 $ Us destiné à aider le ministère de l’Éducation à planifier sa riposte à la pandémie de coronavirus (Covid-19).

Les efforts de plusieurs pays dans la lutte contre la déscolarisation des filles sont à louer. Cependant, force est de constater que les nombreux dispositifs africains qui garantissent aux filles la scolarisation sont peu ou faiblement appliqués. Cette situation s’explique aussi par la méconnaissance ou par l’absence de motivation des personnes chargées de les appliquer (décideurs/ses, enseignant.e.s, parents). Cependant, ceci reste un défi majeur à relever pour plusieurs pays africains.

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